Contrairement à ce que l’on dit parfois, la médecine « de famille » n’a pas
disparu. Il est donc resté courant de suivre une famille sur une ou plusieurs
générations, dans un milieu connu du médecin généraliste. Dans ces conditions,
la survenue d’une maladie grave, voire l’approche d’un décès sont des
événements qui prennent place dans une trame relationnelle au long cours.
Apprendre à un inconnu qu’il est atteint d’une maladie grave peut s’avérer
difficile. Mais l’apprendre à quelqu’un que l’on soigne depuis vingt ans, dont on
soigne les parents et les enfants, ne ressemble en rien à un acte anonyme.
L’affectivité du médecin, son parcours de vie personnel, ses propres angoisses, les
liens qui se sont créés avec une personne malade et sa famille, tous ces éléments
vont intervenir quand il va annoncer la mauvaise nouvelle.
Dans la pratique, il n’est pas très fréquent que le médecin généraliste
aboutisse, seul, à un diagnostic de cancer par exemple. Il peut le soupçonner,
mais la certitude nécessite souvent des examens spécialisés. C’est donc le ou les
spécialistes concernés qui vont « savoir » les premiers. Ils ont alors le choix, soit
d’annoncer eux-mêmes le diagnostic (ou de le laisser comprendre), soit de laisser
ce soin au médecin généraliste qui suit habituellement le patient (quand ce
dernier a un généraliste).
S’il est possible de parler de « confort » dans ces circonstances, peut-être est-il
moins inconfortable pour un patient de se faire annoncer une nouvelle péjorative
par un médecin qu’il connaît bien. En effet, ce dernier est en principe le mieux
placé :
– pour juger de la capacité de son patient à entendre « la vérité » ;
– pour savoir quand aborder cette vérité ;
– pour estimer à quelle « dose » donner cette vérité ;
– pour se faire aider dans sa tâche par les proches du patient ;
– pour gérer, simultanément, les réactions prévisibles d’un entourage qu’il
connaît souvent bien.
Par la suite, une fois la mauvaise nouvelle transmise, le médecin de famille va
encore aider son patient, pendant un temps plus ou moins long, à faire le travail
d’acceptation de la réalité. Certains patients en ont la capacité, d’autres pas. Mais,
dans ces circonstances, le généraliste qui connaît bien son patient demeure le
personnage proche capable d’apporter une aide technique, psychologique, voire
amicale. chiffrées, statistiques, à l’échelle de populations. Les responsables politiques en
tirent généralement des indications qui leur permettent de lancer des campagnes
de prévention. L’intérêt des études statistiques est de réduire l’imprédictibilité des
problèmes de santé, en sachant que cette réduction ne concerne que des
populations données, mais pas les individus pris isolément.
Au niveau de l’exercice quotidien de la médecine, ces données statistiques ont
un certain intérêt. Mais l’annonce d’un risque, qui fait partie du travail normal du
médecin, se situe dans un contexte différent : il s’agit d’une entreprise d’individu à
individu, souvent au long cours, tenant compte de la personnalité du patient,
émaillée d’échecs plus que de succès. C’est bien d’un diagnostic qu’il est question.
Il pourrait, le plus souvent, se formuler de la façon suivante : « Vous n’êtes pas
malade aujourd’hui. Mais votre mode de vie vous expose statistiquement à
développer telle ou telle pathologie. Je suis en mesure de vous donner quelques
conseils, mais c’est à vous de voir ce que vous pouvez faire ». En réalité, à
l’échelon individuel, le fait de conseiller de moins boire d’alcool, de mieux
manger, de ne pas fumer, de faire du sport, etc., représente une activité utile, sans
plus. Il serait plus intéressant (et potentiellement plus efficace), de comprendre en
profondeur ce qui fait qu’untel boit trop, qu’unetelle s’est laissée prendre trente
kilogrammes, qu’ils fument tous les deux et n’ont aucune activité physique. Il
s’agit alors d’un réel « diagnostic de situation préventive », qui peut mettre
longtemps à s’élaborer, qui risque de rester incomplet, qui ne débouchera pas
nécessairement sur des modifications efficaces de comportements, mais qui fait
partie intégrante du travail médical quotidien.
Quand il fait de « l’information préventive » à ses patients, le médecin se doit de
mesurer, autant que possible, l’impact de ses conseils d’hygiène de vie. Beaucoup
de personnes savent bien qu’elles n’ont pas un mode de vie conforme aux
injonctions des médecins ou des médias. Beaucoup en sont, à des degrés divers,
culpabilisées. Si ces personnes sentent que leur médecin est prêt à les
comprendre et à les aider, une prévention « réelle » va peut-être s’instaurer. Si elles
reçoivent des messages tels que : « Si vous ne maigrissez pas (ou n’arrêtez pas de
fumer etc.) je ne m’occupe plus de vous », il est possible qu’un certain degré
d’anxiété s’ajoute à la probable culpabilité.
Comme lors de l’annonce d’une maladie grave, le médecin se retrouve face à
lui-même quand il s’occupe de prévention, du moins au niveau des
comportements à risques. Un médecin qui fume est-il crédible et/ou efficace
quand il interdit de fumer ? Celui qui n’a aucune activité physique peut-il
conseiller le sport sans arrière-pensée ? Il est possible que des conseils dans de
telles conditions soient malgré tout pertinents, si le médecin reconnaît qu’il est
lui-même incapable d’appliquer telle ou telle règle d’hygiène, mais qu’il les trouve
cependant utiles pour son patient
disparu. Il est donc resté courant de suivre une famille sur une ou plusieurs
générations, dans un milieu connu du médecin généraliste. Dans ces conditions,
la survenue d’une maladie grave, voire l’approche d’un décès sont des
événements qui prennent place dans une trame relationnelle au long cours.
Apprendre à un inconnu qu’il est atteint d’une maladie grave peut s’avérer
difficile. Mais l’apprendre à quelqu’un que l’on soigne depuis vingt ans, dont on
soigne les parents et les enfants, ne ressemble en rien à un acte anonyme.
L’affectivité du médecin, son parcours de vie personnel, ses propres angoisses, les
liens qui se sont créés avec une personne malade et sa famille, tous ces éléments
vont intervenir quand il va annoncer la mauvaise nouvelle.
Dans la pratique, il n’est pas très fréquent que le médecin généraliste
aboutisse, seul, à un diagnostic de cancer par exemple. Il peut le soupçonner,
mais la certitude nécessite souvent des examens spécialisés. C’est donc le ou les
spécialistes concernés qui vont « savoir » les premiers. Ils ont alors le choix, soit
d’annoncer eux-mêmes le diagnostic (ou de le laisser comprendre), soit de laisser
ce soin au médecin généraliste qui suit habituellement le patient (quand ce
dernier a un généraliste).
S’il est possible de parler de « confort » dans ces circonstances, peut-être est-il
moins inconfortable pour un patient de se faire annoncer une nouvelle péjorative
par un médecin qu’il connaît bien. En effet, ce dernier est en principe le mieux
placé :
– pour juger de la capacité de son patient à entendre « la vérité » ;
– pour savoir quand aborder cette vérité ;
– pour estimer à quelle « dose » donner cette vérité ;
– pour se faire aider dans sa tâche par les proches du patient ;
– pour gérer, simultanément, les réactions prévisibles d’un entourage qu’il
connaît souvent bien.
Par la suite, une fois la mauvaise nouvelle transmise, le médecin de famille va
encore aider son patient, pendant un temps plus ou moins long, à faire le travail
d’acceptation de la réalité. Certains patients en ont la capacité, d’autres pas. Mais,
dans ces circonstances, le généraliste qui connaît bien son patient demeure le
personnage proche capable d’apporter une aide technique, psychologique, voire
amicale. chiffrées, statistiques, à l’échelle de populations. Les responsables politiques en
tirent généralement des indications qui leur permettent de lancer des campagnes
de prévention. L’intérêt des études statistiques est de réduire l’imprédictibilité des
problèmes de santé, en sachant que cette réduction ne concerne que des
populations données, mais pas les individus pris isolément.
Au niveau de l’exercice quotidien de la médecine, ces données statistiques ont
un certain intérêt. Mais l’annonce d’un risque, qui fait partie du travail normal du
médecin, se situe dans un contexte différent : il s’agit d’une entreprise d’individu à
individu, souvent au long cours, tenant compte de la personnalité du patient,
émaillée d’échecs plus que de succès. C’est bien d’un diagnostic qu’il est question.
Il pourrait, le plus souvent, se formuler de la façon suivante : « Vous n’êtes pas
malade aujourd’hui. Mais votre mode de vie vous expose statistiquement à
développer telle ou telle pathologie. Je suis en mesure de vous donner quelques
conseils, mais c’est à vous de voir ce que vous pouvez faire ». En réalité, à
l’échelon individuel, le fait de conseiller de moins boire d’alcool, de mieux
manger, de ne pas fumer, de faire du sport, etc., représente une activité utile, sans
plus. Il serait plus intéressant (et potentiellement plus efficace), de comprendre en
profondeur ce qui fait qu’untel boit trop, qu’unetelle s’est laissée prendre trente
kilogrammes, qu’ils fument tous les deux et n’ont aucune activité physique. Il
s’agit alors d’un réel « diagnostic de situation préventive », qui peut mettre
longtemps à s’élaborer, qui risque de rester incomplet, qui ne débouchera pas
nécessairement sur des modifications efficaces de comportements, mais qui fait
partie intégrante du travail médical quotidien.
Quand il fait de « l’information préventive » à ses patients, le médecin se doit de
mesurer, autant que possible, l’impact de ses conseils d’hygiène de vie. Beaucoup
de personnes savent bien qu’elles n’ont pas un mode de vie conforme aux
injonctions des médecins ou des médias. Beaucoup en sont, à des degrés divers,
culpabilisées. Si ces personnes sentent que leur médecin est prêt à les
comprendre et à les aider, une prévention « réelle » va peut-être s’instaurer. Si elles
reçoivent des messages tels que : « Si vous ne maigrissez pas (ou n’arrêtez pas de
fumer etc.) je ne m’occupe plus de vous », il est possible qu’un certain degré
d’anxiété s’ajoute à la probable culpabilité.
Comme lors de l’annonce d’une maladie grave, le médecin se retrouve face à
lui-même quand il s’occupe de prévention, du moins au niveau des
comportements à risques. Un médecin qui fume est-il crédible et/ou efficace
quand il interdit de fumer ? Celui qui n’a aucune activité physique peut-il
conseiller le sport sans arrière-pensée ? Il est possible que des conseils dans de
telles conditions soient malgré tout pertinents, si le médecin reconnaît qu’il est
lui-même incapable d’appliquer telle ou telle règle d’hygiène, mais qu’il les trouve
cependant utiles pour son patient
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