Des diagnostics fantaisistes



Faire et communiquer un diagnostic de varicelle ou de fracture de la clavicule
n’est habituellement pas particulièrement difficile À condition toutefois que les
circonstances soient simples et les patients indemnes d’autres problèmes
Mais si les diagnostics simples cadrés sans ambiguïté existent bien ils sont
plutôt moins fréquents que les situations diagnostiques floues incomplètes
provisoires : toutes les descriptions de l’activité des médecins généralistes le
montrent Les motifs de consultations sont plus souvent des difficultés de
digestion que des ulcères du bulbe Plus souvent des troubles du sommeil que
des psychoses Plus souvent des éruptions qui ne ressemblent à rien que des
éruptions qui ressemblent à quelque chose Or les patients attendent plus ou
moins clairement qu’on leur dise « ce qu’ils ont » Dans le même temps les
médecins pour ne pas faillir à leur mission qui est de faire des diagnostics
n’aiment pas laisser des situations sans étiquettes Les catalogues de diagnostics
comportent donc des « dyspepsies » des « insomnies » des « dystonies
neurovégétatives » des « spasmophilies » etc Les anomalies biologiques et/ou



anatomopathologiques que supposent ces étiquettes sont rarement univoques
quand elles existent Quand il n’y a pas d’anomalie biologique observable il est
d’usage de parler d’un trouble « fonctionnel » ce qui à défaut d’être
rigoureusement documenté n’est pas forcément faux L’origine
psychosomatique de certains troubles éventuellement évoquée n’est pas
toujours communiquée au patient sous cette appellation Encore moins les
références possibles à l’hystérie
Tous ces termes d’allure scientifique ces expressions courantes ne sont en fait
pas tout à fait « fantaisistes » dans la mesure où ils tentent parfois
maladroitement de cerner une réalité pathologique Mais il faut bien admettre
que la rigueur « scientifique » n’y trouve pas toujours son compte (pas plus que
dans certains modes d’exercice ésotériques de la médecine) Certains parlent
même parfois de « diagnostics de complaisance » comme s’il s’agissait en réalité
de faire entrer « de force » des tableaux pathologiques incertains dans des tiroirs
de diagnostics bien répertoriés et argumentés
La plupart du temps ces diagnostics approximatifs paraissent satisfaire tout le
monde : les patients qui préfèrent voir nommer la cause de leur trouble et les
médecins qui font leur métier en mettant des noms sur les troubles Mais il faut
reconnaître que ces diagnostics un peu « vagues » sont en réalité peu
satisfaisants pour l’un comme pour l’autre : les patients peuvent deviner que le
nom donné à leur trouble n’est pas complètement explicite les médecins savent
bien qu’ils sont eux-mêmes insatisfaits dans cette situation

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