Une précision tout d’abord : il ne s’agit pas, ici, de taire un diagnostic péjoratif
ou un pronostic défavorable, événements qui seront abordés plus loin. Il s’agit de
se demander si le fait d’annoncer un diagnostic est nécessairement une action
positive. Bien entendu, cette question ne se pose pas dans tous les cas : chaque
fois qu’une action thérapeutique adaptée peut améliorer un pronostic, il faut
formuler le diagnostic et le communiquer. Mais, dans de nombreuses
circonstances, les choses ne sont pas si simples. Annoncer à un patient (par
exemple) : « Vous avez une colopathie fonctionnelle » ou « une insomnie liée au
stress », sont des éventualités fréquentes. Ce sont aussi des situations qui, bien
que ne mettant pas habituellement la vie en danger, peuvent perturber
longtemps et profondément l’existence de certains patients. Ces deux « situations
diagnostiques » (parmi beaucoup d’autres), ont plusieurs points communs :
– il est souvent difficile de préciser le substratum anatomopathologique de ces
pathologies ;
– les étiologies à l’origine de ces tableaux cliniques sont imprécises ;
– le poids engendré par ces pathologies est lourd, voire très lourd, pour le
patient, la collectivité (et le médecin) ;
– « l’impression diagnostique » laisse penser que les symptômes de ces
patients concernent certains organes et/ou fonctions, mais aussi l’ensemble de la
personnalité du patient ;
– les thérapeutiques, souvent décevantes, essaient en général d’être aussi peu
iatrogènes que possible.
Dans ces situations diagnostiques parfois peu claires, l’attitude à adopter au
moment où il faut bien « annoncer un diagnostic » mérite réflexion :
– il est toujours possible de dire : « Vous avez une colopathie fonctionnelle (ou
une spasmophilie, ou une dystonie neurovégétative etc.) » ;
– il est également possible de dire : « J’ai une idée relativement claire de ce que
vous n’avez pas, mais je ne vois pas de façon précise ce qui vous rend malade » ;
– enfin, s’il est possible (théoriquement) de déclarer : « Vous n’avez rien » , il
s’agit d’une situation rare et d’une formulation discutable, dans la mesure où il
peut s’agir alors d’un renvoi pur et simple.
Dans le premier cas, le « diagnostic » , quand il s’agit d’une pathologie peu
claire, peut ressembler à une entreprise de « colmatage » , de « ravalement de
façade » : le médecin ne perd pas la face, en donnant des noms d’allure
scientifique aux événements. Il peut même se donner l’illusion, de cette façon, de
rester maître du jeu. Il faut remarquer que c’est le fait de donner un nom à une
pathologie qui risque de figer les choses, de permettre éventuellement au patient
d’organiser le reste de son existence autour d’un mot, d’un concept. La nature du
mot utilisé n’est pas en cause. Par exemple, il est possible de dire, à la place de
« côlon irritable », « névrose organisée autour du côlon » : il n’est pas évident que
cette façon de faire sera plus efficace. Dans un cas de figure un peu différent, le
diagnostic peut être le résultat d’une sorte de consensus entre patient et médecin.
Chacun des deux protagonistes sait que l’accord porte sur quelque chose de peu
précis, mais chacun sait également que ce quelque chose justifie le fait que le
patient a un motif d’aller consulter. Il s’agit d’une sorte de laisser-passer qui donne
droit au patient « d’utiliser » le médecin en ayant une bonne raison de le faire. Ce
consensus peut permettre, au cours de consultations éventuellement répétées,
d’aborder toutes sortes de problèmes, en fonction des demandes du patient.
Dans le deuxième cas, le fait que le médecin déclare qu’il ne comprend pas
tout n’est pas une absence de diagnostic. C’est un constat, qui a même pour lui
une certaine honnêteté. Il faut reconnaître que certains patients peuvent mal
supporter cette situation. Ils peuvent penser, soit que le médecin n’est pas capable
de déterminer la nature de leur problème, soit, ce qui est pire, que le médecin ne
les croit pas « vraiment » malades. En revanche, l’attitude du médecin qui consiste
à déclarer qu’il ne comprend pas tout, laisse une porte de sortie au patient : celle
de découvrir lui-même, en prenant le temps s’il le faut, quelle est la nature exacte
de ses problèmes (Socrate, et sa maïeutique, n’aurait pas renié cette attitude).
Malheureusement, seuls certains patients sont capables de cette démarche.
Comme il n’est pas évident, au départ, de savoir qui en est capable, mieux vaut
considérer que tous les patients peuvent comprendre seuls, en général, plus de
choses que l’on ne le pense. L’évolution personnelle d’un patient sera peut-être
plus favorable s’il n’est pas obnubilé par un mot (colopathie, insomnie, éthylisme).
Mais cette possibilité d’évolution nécessite également que le patient perçoive,
chez son médecin, une capacité à ressentir, comme lui-même, certaines
émotions [2].
Le troisième cas (l’utilisation du « vous n’avez rien » ) est abordé plus loin.
Si l’annonce d’un diagnostic peut aller de soi, mieux vaut réfléchir chaque fois
que l’on est tenté de communiquer un diagnostic « de circonstance » , les
conséquences en étant difficiles à prévoir.
Annoncer u
ou un pronostic défavorable, événements qui seront abordés plus loin. Il s’agit de
se demander si le fait d’annoncer un diagnostic est nécessairement une action
positive. Bien entendu, cette question ne se pose pas dans tous les cas : chaque
fois qu’une action thérapeutique adaptée peut améliorer un pronostic, il faut
formuler le diagnostic et le communiquer. Mais, dans de nombreuses
circonstances, les choses ne sont pas si simples. Annoncer à un patient (par
exemple) : « Vous avez une colopathie fonctionnelle » ou « une insomnie liée au
stress », sont des éventualités fréquentes. Ce sont aussi des situations qui, bien
que ne mettant pas habituellement la vie en danger, peuvent perturber
longtemps et profondément l’existence de certains patients. Ces deux « situations
diagnostiques » (parmi beaucoup d’autres), ont plusieurs points communs :
– il est souvent difficile de préciser le substratum anatomopathologique de ces
pathologies ;
– les étiologies à l’origine de ces tableaux cliniques sont imprécises ;
– le poids engendré par ces pathologies est lourd, voire très lourd, pour le
patient, la collectivité (et le médecin) ;
– « l’impression diagnostique » laisse penser que les symptômes de ces
patients concernent certains organes et/ou fonctions, mais aussi l’ensemble de la
personnalité du patient ;
– les thérapeutiques, souvent décevantes, essaient en général d’être aussi peu
iatrogènes que possible.
Dans ces situations diagnostiques parfois peu claires, l’attitude à adopter au
moment où il faut bien « annoncer un diagnostic » mérite réflexion :
– il est toujours possible de dire : « Vous avez une colopathie fonctionnelle (ou
une spasmophilie, ou une dystonie neurovégétative etc.) » ;
– il est également possible de dire : « J’ai une idée relativement claire de ce que
vous n’avez pas, mais je ne vois pas de façon précise ce qui vous rend malade » ;
– enfin, s’il est possible (théoriquement) de déclarer : « Vous n’avez rien » , il
s’agit d’une situation rare et d’une formulation discutable, dans la mesure où il
peut s’agir alors d’un renvoi pur et simple.
Dans le premier cas, le « diagnostic » , quand il s’agit d’une pathologie peu
claire, peut ressembler à une entreprise de « colmatage » , de « ravalement de
façade » : le médecin ne perd pas la face, en donnant des noms d’allure
scientifique aux événements. Il peut même se donner l’illusion, de cette façon, de
rester maître du jeu. Il faut remarquer que c’est le fait de donner un nom à une
pathologie qui risque de figer les choses, de permettre éventuellement au patient
d’organiser le reste de son existence autour d’un mot, d’un concept. La nature du
mot utilisé n’est pas en cause. Par exemple, il est possible de dire, à la place de
« côlon irritable », « névrose organisée autour du côlon » : il n’est pas évident que
cette façon de faire sera plus efficace. Dans un cas de figure un peu différent, le
diagnostic peut être le résultat d’une sorte de consensus entre patient et médecin.
Chacun des deux protagonistes sait que l’accord porte sur quelque chose de peu
précis, mais chacun sait également que ce quelque chose justifie le fait que le
patient a un motif d’aller consulter. Il s’agit d’une sorte de laisser-passer qui donne
droit au patient « d’utiliser » le médecin en ayant une bonne raison de le faire. Ce
consensus peut permettre, au cours de consultations éventuellement répétées,
d’aborder toutes sortes de problèmes, en fonction des demandes du patient.
Dans le deuxième cas, le fait que le médecin déclare qu’il ne comprend pas
tout n’est pas une absence de diagnostic. C’est un constat, qui a même pour lui
une certaine honnêteté. Il faut reconnaître que certains patients peuvent mal
supporter cette situation. Ils peuvent penser, soit que le médecin n’est pas capable
de déterminer la nature de leur problème, soit, ce qui est pire, que le médecin ne
les croit pas « vraiment » malades. En revanche, l’attitude du médecin qui consiste
à déclarer qu’il ne comprend pas tout, laisse une porte de sortie au patient : celle
de découvrir lui-même, en prenant le temps s’il le faut, quelle est la nature exacte
de ses problèmes (Socrate, et sa maïeutique, n’aurait pas renié cette attitude).
Malheureusement, seuls certains patients sont capables de cette démarche.
Comme il n’est pas évident, au départ, de savoir qui en est capable, mieux vaut
considérer que tous les patients peuvent comprendre seuls, en général, plus de
choses que l’on ne le pense. L’évolution personnelle d’un patient sera peut-être
plus favorable s’il n’est pas obnubilé par un mot (colopathie, insomnie, éthylisme).
Mais cette possibilité d’évolution nécessite également que le patient perçoive,
chez son médecin, une capacité à ressentir, comme lui-même, certaines
émotions [2].
Le troisième cas (l’utilisation du « vous n’avez rien » ) est abordé plus loin.
Si l’annonce d’un diagnostic peut aller de soi, mieux vaut réfléchir chaque fois
que l’on est tenté de communiquer un diagnostic « de circonstance » , les
conséquences en étant difficiles à prévoir.
Annoncer u
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